Le train le Canadien a 70 ans! Un voyage à travers l'histoire

Crédit photo pour l'image de l'entête : Bill Edgar

Élu l'un des meilleurs voyages en train au monde lors des Reader's Choice Awards de Condé Nast Traveller en 2024, le Canadien relie depuis 1955 l'est et l'ouest du Canada. Ce voyage de quatre jours et quatre nuits sur 4 466 kilomètres entre Toronto et Vancouver permet de découvrir la diversité de paysages, mais aussi de vivre le romantisme ferroviaire d'antan.

Il suffit de regarder les vieilles affiches du Canadien Pacifique, qui transportait des passagers bien avant la création de VIA Rail en 1977, pour saisir l'essence du voyage par le rail. On y aperçoit des locomotives massives et des voitures panoramiques traversant des paysages majestueux. L'expression « plus grand que nature » vient immanquablement en tête. On comprend pourquoi William Van Horne, directeur du Canadien Pacifique au moment de l'inauguration du chemin de fer transcontinental en 1885, a déclaré devant la beauté de Banff : « On ne peut pas transporter le paysage vers les gens, mais on peut transporter les gens vers le paysage. » L'idée des premiers hôtels de villégiature au pays était née.

Crédit photo : ACHF/Exporail, Fonds Canadian Pacific Railway Company

On oublie parfois le rôle de premier plan joué par le chemin de fer dans le développement du pays, qui célèbre cette année son 158e anniversaire. Les provinces de l'Est ainsi que la Colombie-Britannique ont accepté de rejoindre la confédération après avoir obtenu la promesse d'être reliées par le chemin de fer. Avant l'invention de l'automobile, le train emmenait aussi les immigrants vers l'ouest, où tout était à construire. « Le chemin de fer a été développé pour unifier le pays », dit Jean-Paul Viaud, conservateur d'Exporail, un musée dédié à l'histoire ferroviaire. « Dans sa phase initiale, on développait les territoires, le Canada-Est, le Canada-Ouest... Ensuite, on a commencé à bâtir la nation. Le chemin de fer est devenu, dès son intégration à la constitution canadienne, la colonne vertébrale d'un nouveau pays à l'échelle d'un continent. »  

Le Canadien a été lancé par le Canadien Pacifique en 1955. La compagnie présentait alors son nouveau convoi comme « le premier et le seul train panoramique tout inox du Canada », en référence aux compositions en vogue à l'époque, déjà adoptées par le California Zephyr aux États-Unis. Des artistes du Groupe des Sept sont alors invités à réaliser des peintures murales dans les voitures. Ils parcouraient le pays en train afin de reproduire les paysages grandioses du Canada. On peut voir plusieurs de leurs œuvres dans différents musées canadiens.

C'est en 1978 que VIA Rail reprend les activités du Canadien Pacifique. Le nom de son train emblématique est conservé. Le Canadien suit le même tracé jusqu'en 1990.

Les changements au fil du temps

Il y a 70 ans, il était possible de faire le voyage à partir de Montréal ou de Toronto. « Les deux trains fusionnaient à Sudbury et poursuivaient le voyage vers l'ouest », explique Mark Simpson, à l'emploi de VIA Rail depuis 2012.

Crédit photo : ACHF/Exporail, Fonds Canadian Pacific Railway Company

« Le dernier départ du Canadien sur la route historique du Canadien Pacifique a quitté Toronto le 14 janvier 1990, poursuit-il. C'est la dernière fois que ce train a traversé Thunder Bay, Regina, Calgary, Banff et Lake Louise. Par la suite, le trajet a été modifié pour passer par Saskatoon, Edmonton et Jasper. »

Bien que le Canadien sillonne le pays depuis sept décennies, la plupart de ses voitures ont subi quelques modernisations au fil du temps. C'est en 1992 qu'a été introduite la classe Bleu d'Argent, qu'on connaît aujourd'hui comme la Voiture-lits Plus. Mark Simpson a fait de nombreuses recherches dans les archives pour retracer son histoire. « Une nouvelle palette de couleurs a été instaurée par une entreprise de Montréal dans les années 1990, raconte-t-il. Après avoir traversé le Canada, l'équipe a voulu s'inspirer des couleurs du pays, avec différents types de jaunes et de bleu gris pour rappeler l'eau et les glaciers. Il y avait aussi du rouge pour représenter le soleil à plage. » Les oiseaux de verres ornent toujours la voiture-restaurant. « Ce sont les originaux, dit Mark Simpson. Ils datent de 1955. »

Au début des années 2000, les voyageurs ont pu redécouvrir les paysages à travers les immenses fenêtres – 6 pieds de large sur 6 pieds et demi de long (1,83 mètre sur 2 mètres) – de la voiture Panorama, aussi connue sous le nom d'Ultra Dome.

Véritable icône, le Canadien a aussi été mis en vedette sur les nouveaux billets de 10 $ émis par la Banque du Canada en 2013 et dans la série Mighty Trains de Discovery Channel en 2016. À voir absolument pour comprendre l'importance historique du train, mais aussi pour découvrir ses coulisses et une foule de faits surprenants. « Cette locomotive, un F 40 PH2, pèse près de 118 000 kilos, soit le poids de quatre chars de combat Sherman », explique l'animateur Teddy Wilson. « Avec ses 18 mètres de long et ses 5 mètres de haut, elle a la taille d'une petite maison. »

L'inauguration de la classe Prestige en 2014 a ajouté un niveau de confort supérieur. C'est la seule voiture où les chambres comptent une douche privée en plus d'une toilette et d'un lavabo. C'est aussi à bord de cette voiture qu'on trouve une chambre accessible aux voyageurs à mobilité réduite.

On ne voyage plus à bord du Canadien pour se déplacer comme jadis, mais pour l'expérience. Traverser le pays au rythme des rails permet de prendre la pleine mesure du territoire. M. Simpson, lui, ne se lasse pas de parcourir le pays par les rails. « Le train offre une perspective unique sur le Canada, dit-il. On ne voit pas la même chose en avion et c'est différent aussi en voiture. De plus, le train permet de faire des rencontres avec d'autres voyageurs. Certaines amitiés tissées à bord se poursuivent ensuite. Nous recevons régulièrement des clients qui reviennent. »

L'avenir des trains au Canada

Choisir le train permet de remonter le temps et de se rappeler des jalons importants de notre histoire. Son rythme nous force à ralentir la cadence. On se surprend à contempler l'horizon pendant de longues minutes, déconnecté de la technologie et du quotidien. On retrouve l'essence du voyage : se laisser porter.

C'est sans doute ce que j'aime le plus des voyages sur rail : me retrouver hors du temps. Le train est une douce parenthèse. À une époque où tout est rapide, se laisser couler dans sa langueur crée aussi un espace à l'introspection. Les discussions avec d'autres voyageurs s'entament spontanément autour d'un bon repas ou lors des activités. Qu'on soit sociable ou introverti, chacun y trouve son compte.

Encore aujourd'hui, les trains continuent de jouer un rôle essentiel dans le tissu social et économique du Canada, en garantissant l'accès au transport pour tous les Canadiens. Certaines communautés sont encore à ce jour seulement accessibles par le rail.

Au cours des prochaines années, les trains et les locomotives seront peu à peu remplacés. Si leur charme suranné manquera aux irréductibles, on nous promet une expérience de voyage plus moderne, plus efficace et plus durable. Pour le moment, il est toujours possible de vivre l'expérience à bord des voitures d'antan. Les nostalgiques peuvent quant à eux visiter Exporail, le musée ferroviaire canadien, à Saint-Constant, au Québec, pour plonger dans l'histoire des rails et admirer des voitures qui ont jadis sillonné les paysages canadiens, dont la voiture de William Van Horne. Une autre manière de voyager!